Personnalités à découvrir

TROTIGNON Jacques

Après l'obtention d’une Maîtrise d’aménagement du territoire à Tours, avec spécialisation dans l’aménagement des Parcs et Réserves naturelles en 1974, Jacques Trotignon participe activement à l'élaboration du projet de Parc national du Banc d’Arguin, en Mauritanie, créé en 1976 avec l’appui de Théodore Monod, puis il devient conseiller du directeur de ce Parc durant 3 ans (1977 à1980) afin d’en assurer le lancement… "Une expérience unique, qui aura le mérite de me faire comprendre que la notion du temps des Mauritaniens n’est pas la même que la nôtre !"

Puis il participe en Brenne, à l’instigation du président de la fédération des chasseurs de l’Indre (Henri de Ponchalon) à la création de la Réserve ornithologique de la Gabrière (1983), réalisation alors très novatrice associant associations naturalistes et chasseurs, puis élaboration du projet de la Réserve naturelle de Chérine (1983).

Enfin, il devient directeur de la Réserve naturelle de Chérine à compter de 1985 et chargé de mission au WWF à partir de 1992, avec notamment la création du réseau des Gîtes Panda.

Nous l'avons rencontré entre deux étangs de Brenne, son pays d'adoption qu'il défend avec ferveur et diplomatie depuis si longtemps.

Quels sont vos maîtres à penser, vos références culturelles ? Théodore Monod en priorité, avec qui j’ai eu la chance de pouvoir activement travailler à la création du Parc national du Banc d’Arguin (facilitée par le président mauritanien dont Monod était alors ami, avant que celui-ci ne soit renversé par un coup d’Etat militaire), que j’ai eu la chance de pouvoir longuement côtoyer sur le terrain, au Museum ou chez lui, et dont la science, la sagesse et l’humanisme, mais aussi le militantisme obstiné sont largement responsables de mon engagement naturaliste. Je citerai aussi Jean Dorst, dont l’ouvrage « Avant que nature meure » m’a marqué comme toute une génération de naturalistes, et puis les incontournables militants des années 1970 et 1980 : Michel Brosselin, grand défenseur des zones humides, Paul Géroudet et Robert Hainard, Luc Hoffmann, les frères Terrasse dont le combat en faveur des rapaces - et les films de nature dont ils s’étaient faits une spécialité - auront eux aussi largement décidé de ma vocation.

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Jacques Trotignon avec Luc Hoffmann et le regretté Jean-Paul Taris en Brenne lors de l'inauguration de l'observatoire de l'étang Purais (2011)

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avec Jean-François Terrasse, fondateur du FIR (Fonds d'Intervention pour les rapaces)

Pourquoi l’animal sauvage ? La beauté, le côté mystérieux (les migrations d’oiseaux en particulier), l’aspect spectaculaire (les grands rassemblements de canards ou de limicoles, les grands troupeaux d’antilopes ou d’éléphants), les cas d’adaptation étonnants (les grands mammifères sahariens par exemple), la liberté qu’ils évoquent.

Si vous en étiez un ? La guifette moustac, pour passer le printemps en Brenne et l’hiver dans les zones humides d’Afrique de l’ouest !

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Etang de la Sous (photo P.Gaultier)

 Une ou deux belles rencontres de nature ? Les visites effectuées à une colonie de phoques moines localisée sur la presqu’île du Cap Blanc (nord de la Mauritanie) entre 1971 et 1980, avec l’observation des animaux jouant dans les vagues au pied des falaises ou dans la grotte qui leur tenait lieu de site de repos et de mise-bas. Et bien sûr l’extraordinaire exploration du Banc d’Arguin en Mauritanie à compter des années 1971 et jusqu’en 1980, avec la découverte d’un hivernage d’au moins un million de limicoles, ses milliers de flamants roses, de spatules, de pélicans, de sternes et de hérons, ses dauphins et ses tortues vertes, mais aussi ses gazelles dorcas allant brouter les palétuviers à marée basse !

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Et la Brenne, découverte à la même époque et où, avec les mêmes camarades que ceux sévissant en Mauritanie, nous avons aussi entrepris les premiers recensements d’oiseaux emblématiques !

Un lieu de nature préféré ? La Rocina, près du village d’El Rocio, dans le delta du Guadalquivir, faute de pouvoir retourner en toute sécurité sur le Banc d’Arguin en Mauritanie : j’aime bien retourner régulièrement dans ce lieu parce qu’il évoque pour moi le combat pour la défense des zones humides les plus emblématiques d’Europe et témoigne d’un relatif succès pour ceux qui se sont battus pour la défense de ce delta mythique. Alors que le delta a été victime d’un important développement touristique (création de la station balnéaire de Matalascanas) et agricole (création d’immenses cultures de fraises et agrumes, etc) dans des sites encore intacts il y a 45 ans - domaine du lynx pardelle - avec pour conséquence notoire la baisse des nappes phréatiques aux dépens des lagunes et le développement de différentes formes de pollution, la lagune de la Rocina a su marier la        préservation d’un patrimoine naturel remarquable (flamants, spatules, ibis falcinelles, talèves, nombreux limicoles, guifettes, aigles ibériques, etc) avec l’élevage traditionnel (pâturage équin) et le tourisme de nature. Le tout aux abords immédiats du village d’El Rocio, haut en couleurs et encore fort pittoresque, même si, comme ailleurs, le tourisme s’y est considérablement développé. Un lieu symbolique, donc, tout en contrastes, où, une fois la lagune asséchée, les cerfs viennent bramer à la fin août !  

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Un lieu mythique où vous rêvez d’aller ? Les Galapagos, pour tout ce qu’elles représentent en termes d’évolution et de nature « intacte ». Et Madagascar, pour les Lémuriens notamment.

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Une œuvre qui vous semble illustrer le mieux votre parcours ? L’ouvrage que j’ai écrit avec ma femme sur la Brenne (ci-dessous), parce qu’il évoque les liens entre l’évolution des paysages et des richesses naturelles et l’histoire des activités socio-économiques (agriculture, pisciculture, chasse) de 1800 à nos jours. Un recul historique toujours riche d’enseignements pour la défense actuelle du patrimoine naturel.. mais qui montre aussi combien, en une génération, la dégradation de ce patrimoine a été impressionnante !

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 Un conseil au débutant dans votre activité, que lui diriez-vous ? Se dire qu’il y a toujours quelque chose d’intéressant à observer où que l’on soit, surtout si on se dit « y’ a rien à voir » ! Savoir se poser et attendre. Puis situer les observations réalisées dans un contexte local élargi. Et ne pas oublier que certaines observations méritent également de se voir replacées dans un contexte historique local… ce qui ne semble pas intéresser plus que ça bon nombre de naturalistes actuels, plus soucieux de partager sur forums ou listes de discussions.

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 Un animal disparu revient, lequel ? Le grand pingouin, pour sa taille impressionnante et parce que le spectacle qu’offraient ses colonies devait être grandiose. Les troupeaux de Rhytines de Steller au repos sur les rivages arctiques devaient être assez exceptionnels aussi…

Une initiative prise ou à prendre en faveur de la faune sauvage ? D’une façon générale, l’implication des populations locales dans la valorisation de leur patrimoine naturel, comme cela a été mis en œuvre dans différents coins d’Afrique par exemple… tant que la guerre ou la corruption permettent d’y croire !

Une association qui vous tient à cœur ? Nacicca (Nature et citoyenneté Crau Camargue Alpilles : http://www.nacicca.org), dont la vocation est de protéger et défendre le patrimoine naturel et la qualité de vie liée à l’environnement des habitants et des usagers des régions citées. Pour ses actions fort bien construites et courageuses face à des intérêts locaux monstrueux (notamment le port de Fos-sur-Mer ou ville de Marseille !).

Une urgence pour la faune sauvage, pour la vie sauvage ? Eviter que certaines des espèces les plus emblématiques de la grande faune africaine, très menacées, ne disparaissent pour de bon: rhinocéros (2 espèces) bien sûr, mais aussi lion ou éléphant, dont les populations se réduisent à vive allure. Et ne parlons pas de la grande faune saharienne ou sahélienne : addax, oryx algazelle, gazelle dama, guépard saharien… En reste-t-il du reste encore entre Atlantique et Mer Rouge ?

 Pour conclure, si vous disparaissiez ce soir, quel message aimeriez-vous laisser?

Pas de message final, Jacques Trotignon a "encore tant à faire" !

Illustrations du diaporama : le mot de jacques trotignon

"La Brenne (ici l'étang Ricot, Réserve naturelle nationale de Chérine), une zone humide dont les richesses naturelles demeurent exceptionnelles en dépit d'un développement de la pisciculture... et d'une multiplication des espèces exotiques très dommageable à la flore et à la faune."

"L'une des actions qui me passionne le plus sur la Réserve de Chérine : mettre en place un pâturage extensif à l'aide de chevaux (Konik Polski) ou bovins rustiques (vaches Salers) afin d'entretenir les milieux, et notamment les rives d'étangs ou les landes. Une façon aussi de rêver aux troupeaux sauvages qui remplissaient cette fonction à l'origine ! "

" Le développement de la recherche scientifique sur la Réserve de Chérine m'est toujours apparu comme une priorité, car on ne protège bien que ce que l'on connaît bien. Parmi les espèces privilégiées : la guifette moustac, le butor étoilé et la cistude d'Europe. Les résultats obtenus sur cette dernière espèce, méconnue, ont été particulièrement riches d'enseignements (ici un relevé de nasse à des fins de marquage par Laura Van Ingen). "

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