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Le nombre de défenseurs de la biodiversité et de l’environnement assassinés ne cesse d’augmenter

Selon un rapport de Global Witness, les attaques contre des défenseurs des terres, des forêts et des ressources en eau ont fait 227 victimes en 2020.

Le constat et les bonnes résolutions sont partagés : lors du congrès de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui s’est conclu samedi 11 septembre à Marseille, les délégués ont affirmé dans le document final que « la réussite économique ne saurait plus se faire aux dépens de la nature ». Mais, sur le terrain, la réalité est tout autre pour les défenseurs de l’environnement, qui paient parfois de leur vie ce combat.

Ceux qui luttent pour la préservation des forêts, contre l’agro-industrie consommatrice de terres ou contre les barrages prennent des risques : 227 d’entre eux ont été tués en 2020, selon le rapport annuel de l’ONG anglaise Global Witness, présenté lundi 13 septembre. Soit plus de quatre assassinats par semaine. Le chiffre est en augmentation par rapport à 2019 (212) et est le plus haut depuis la publication du premier rapport, en 2012.

Dans ce macabre décompte, l’Amérique centrale et du Sud totalise les trois quarts des attaques mortelles, abritant sept des dix pays où l’on tue le plus de défenseurs des terres – la Colombie (65 morts), le Mexique (30), le Brésil, le Honduras, le Guatemala, le Nicaragua et le Pérou. Autres continents très concernés : l’Afrique – on y décompte 18 meurtres en 2020, contre 7 en 2019 –, avec la République démocratique du Congo et l’Afrique du Sud, et l’Asie du Sud, avec les Philippines, où 30 militants écologistes ont été tués en 2020.

« Extrême violence »

Cette augmentation des assassinats ciblés se fait dans un contexte d’attaques généralisées contre les défenseurs de terres, d’arrestations, d’agressions ou encore de campagnes de diffamation. Elle traduit aussi l’importance des tensions sur le terrain, dues à l’accélération de projets d’extraction des ressources naturelles. « Là où ces extractions se font, pour le bois, l’eau, le minerai, et quand ces projets sont poussés par les gouvernements, pour des raisons économiques à court terme et sans tenir compte de leurs conséquences sociales et écologiques, on voit beaucoup de tensions. Cela encourage l’extrême violence », constate Louis Wilson, de Global Witness.

La défense des forêts et des ressources en eau, et la contestation contre les barrages sont les activités les plus touchées, avec 23 et 20 morts. Suivent l’agro-industrie, l’extraction de minerai et les cultures de substitution de la drogue. Ces dernières sont particulièrement visées en Colombie, où la signature d’un accord avec les Forces armées révolutionnaires (FARC) en 2016 prévoyait notamment le remplacement des cultures de coca – « une situation qui a généré et continue de générer beaucoup de violence », explique Louis Wilson.

Les militants issus des peuples indigènes ont été victimes de plus du tiers des assassinats et de cinq des sept meurtres collectifs de l’année 2020. Aux Philippines, sur l’île de Panay, neuf membres de la communauté Tumandok s’opposant à la construction de deux barrages ont été tués le 30 décembre 2020 par l’armée et la police, et 17 ont été arrêtés. « Il est difficile de déterminer la responsabilité des Etats, mais il est sûr qu’ils n’agissent jamais seuls. Il s’agit souvent de la conjonction d’intérêts privés et gouvernementaux », décrypte encore Louis Wilson.

Rangers assassinés

Autre exemple de ces drames : 28 des personnes tuées en 2020 étaient des rangers officiels de parcs nationaux dans huit pays –au Brésil, en Colombie, en République démocratique du Congo, au Guatemala, aux Philippines, au Sri Lanka, en Thaïlande et en Ouganda, victimes la plupart du temps de groupes armés pratiquant le braconnage.

« Celles qui prennent la parole et s’engagent sont victimes d’attaques spécifiques, comme les violences sexuelles »

Les femmes représentent, elles, 10 % des victimes de ces meurtres. « Mais si ce chiffre peut sembler bas, il faut savoir que celles qui prennent la parole et s’engagent sont victimes d’attaques spécifiques, comme les violences sexuelles », explique le rapport. Elles doivent se battre pour protéger leurs terres… et souvent aussi « défendre leur droit à parler, y compris au sein même de leurs communautés et de leurs familles ».

L’accélération de la crise climatique et la tension grandissante à propos des ressources naturelles ont des conséquences sur le terrain. Entre 2001 et 2015, 3 millions de kilomètres carrés de forêts ont été perdus, soit à peu près la superficie de l’Inde. Selon Global Witness, si la pression affecte l’ensemble de la planète, c’est au Sud que les conflits sont les plus violents : sur les 227 assassinats recensés, un seul a été comptabilisé dans l’hémisphère Nord, au Canada.

Pour l’ONG et la dizaine de personnes qui travaillent sur ce rapport, ce décompte est toutefois forcément imparfait et incomplet. « Pour établir la liste de ces victimes, nous nous appuyons sur des associations locales, sur les articles de presse et nous veillons à ce que trois sources différentes confirment que le décès de la personne est bien lié à ses activités militantes en faveur de la défense de l’environnement », détaille Louis Wilson. Et de nombreuses zones d’ombre demeurent comme la Chine ou la Russie.

Le Monde

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