Les scientifiques

CUENOT Lucien

Lucien Cuénot est un biologiste, zoologiste et généticien français, né en 1866 à Paris et mort en 1951 à Nancy.

Cet homme de science, que le "pouvoir d'invention de la vie" fascinait, participa à la fondation de la génétique en prouvant que les lois de Mendel étaient applicables aux animaux.

Le nom de Lucien Cuénot reste attaché à la naissance de la génétique, dans un pays qui n'a pas su apprécier l'ampleur de ses précoces réflexions. Il fut le premier grand biologiste français de la première moitié du XXe siècle, un des derniers grands naturalistes de ce siècle et aussi un théoricien de l'évolution, seul de sa catégorie en France à pouvoir rivaliser avec les fondateurs de cette nouvelle discipline qui s'élaborait dans les pays anglo-saxons.

Très précocement en 1894, Cuénot fut le seul en France à affirmer l'impossibilité de la transmission des caractères acquis (néo-lamarckisme) ainsi que sa pleine adhésion non seulement aux thèses de Darwin (les êtres vivants dérivent les uns des autres par petites variations fortuites continues passées au crible de la sélection naturelle) mais aussi à la théorie de August Weismann, qui postulait en plus l'existence d'un support matériel de l'hérédité. La redécouverte des Lois de Mendel chez les végétaux en 1901 imposa l’idée que des particules matérielles indépendantes et juxtaposées (appelées plus tard gènes) se transmettaient, selon des lois statistiques immuables, de génération en génération.
La France était à cette époque, du fait de sa tradition lamarckiste scientifique et sociale, bien loin d’accepter une telle idée. En 1902 pourtant, Cuénot retrouva ces lois chez l’animal en utilisant des lignées de souris. Puis il découvrit, en 1905, le premier cas de gène létal chez l’animal, le premier phénomène d’épistasie où plusieurs gènes situés à des endroits différents du chromosome interviennent dans la même voie biochimique, et en 1908, le premier cas de pléiotropie où certains gènes peuvent agir sur plusieurs caractères en apparence indépendants. Entre 1908 et 1912, il démontra l’origine héréditaire de certains cas de cancer. C'est grâce à lui que son ami le professeur Philibert Guinier écrivit, en 1912, des articles prémonitoires entrevoyant ce que les lois de l’hérédité et la sélection pourraient apporter à la gestion des peuplements forestiers. En outre, dès 1903, Lucien Cuénot proposa une interaction possible entre mnémon (gène), diastase (enzyme) et pigments ce qui, dans le contexte français de l'époque, était une prouesse.

- Un théoricien de l'évolution :
L'impossibilité de poursuivre ses recherches en génétique après guerre conduisit Cuénot à devenir un théoricien de cette nouvelle discipline en germe, l'évolution. Il est vrai qu'il avait déjà élaboré une théorie de la préadaptation conçue entre 1901 et 1909, lors de ses observations de faune cavernicole en Lorraine. La théorie de Cuénot postule qu'une place vide est investie par une faune avoisinante, par hasard préadaptée à l’endroit : tout se passe comme si certaines espèces possédaient déjà, dans un milieu voisin, le potentiel génétique capable d’exprimer la morphologie, la physiologie et le comportement ad hoc.

Cuénot, en homme curieux et passionné, allait aussi interpeller ses contemporains au moyen de modèles biologiques qui, aujourd'hui encore, ne trouvent pas d'explication dans le cadre de la biologie réductionniste telle qu'elle s'est développée dans les années 1950 à 1970, à partir de la découverte de la structure de l'ADN, donc à la mort de Cuénot. La morphogenèse et l'origine évolutive des coaptations, formidables organes-outils tels que le bouton-pression de la carapace du crabe, les pattes ravisseuses type couteau pliant des nèpes, ou les canules perforées de côté et injectant un liquide toxique ou paralysant, retrouvées aussi bien chez les araignées, les scorpions, les chilopodes, le fourmilion, le dytique ou la sacculine (parasite du crabe). Cuénot pensait qu’une forme de conscience des besoins, un plan dans la matière même, une sorte de démon organisateur était à l’origine de ces organes-outils qui ne devaient rien au hasard. Cela lui valut une mise à l'index : accusé d'être finaliste, voire finaliste chrétien, alors qu'il entretenait, bien au contraire, des rapports houleux avec la religion dominante, il connut un long purgatoire. La lumière des connaissances actuelles éclaire désormais la pertinence de ses réflexions. Ainsi, la pensée évolutionniste de Cuénot, qui refusait d'accorder les pleins pouvoirs au couple hasard-sélection naturelle, est proche de celle du grand paléontologue contemporain Stephen J. Gould (1941-2002).

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