Les scientifiques

TRIPLET Patrick

Scientifique - docteur en écologie -, directeur de la Réserve nationale de la baie de Somme, déjà auteur de deux manuels de gestion (oiseaux des zones côtières et aires protégées d'Afrique), il publie la 6ème édition d'un remarquable "Dictionnaire de la diversité biologique et de la conservation de la nature" .

63 ans, originaire du Crotoy, en baie de Somme, d’une famille de chasseurs. Très vite la passion des oiseaux : parcourir l’estuaire de la Somme, les dunes, les marais  lui ont permis un contact étroit avec la faune. Après une période d’hésitation (à l’adolescence), il est revenu à l’écologie avec le Précis d’Ecologie de Dajoz qui ne l’a pas quitté pendant des années, y compris pendant sa période de service militaire. Sa capacité à rédiger facilement l’a fait remarquer à l’Office National de la Chasse qui a été son premier employeur pendant 10 ans, avant qu'il ne prenne la direction de la réserve naturelle nationale de la baie de Somme. Il est également Consultant, responsable des relations avec les gestionnaires d‟aires protégées en Afrique, Institut européen pour la gestion des oiseaux sauvages et de leurs habitats (OMPO)".

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Nous l'avons rencontré début mars 2016 et restons en contact régulier

Voir aussi son Manuel d'étude et de gestion des oiseaux et de leurs habitats en zone côtières

Extrait du préambule : "Il est connu et reconnu que les zones littorales constituent des habitats indispensables pour la survie de centaines de milliers d’oiseaux, anatidés, limicoles, laridés et certains passereaux. Afin de remplir ces fonctions, ces espaces demandent à être mieux connus, mieux protégés, mieux gérés. L’objectif de ce manuel est de mettre à la disposition des ornithologues, des agents des réserves et des gardes du Conservatoire du littoral, un outil, un ouvrage de référence dans lequel ils trouveront facilement des éléments sur le fonctionnement des milieux, sur les relations entre les espèces et leur environnement, et surtout, une véritable boîte à outils avec laquelle ils pourront lancer des études et des suivis."

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son Manuel de gestion des aires protégées d'Afrique francophone

extrait du préambule : "Les aires protégées sont les garants de la préservation d’un patrimoine collectif encore lourdement impacté par le développement de notre civilisation. La faune, la flore, les habitats qu’elles permettent de sauvegarder présentent une valeur universelle non seulement en tant qu’espèces et espaces originaux, mais également en raison du rôle actuel ou potentiel qu’ils peuvent jouer pour l’homme. Il y a donc nécessité pour tous de se sentir concernés par la gestion de toute aire protégée, sur toute la surface du globe. Les aires protégées d’Afrique figurent souvent dans l’imaginaire des occidentaux, enfants ou adultes, en raison de leur faune exceptionnelle et de leurs paysages grandioses. L’histoire de nombreux pays d’Afrique est liée à celle de la France et, une cinquantaine d’années après la décolonisation, des liens étroits restent établis tant au niveau des États que des populations. Il est donc naturel que ces liens ’affection soient également accompagnés d’une aide pour la préservation du patrimoine naturel."

Quels sont vos maîtres à penser, vos références culturelles ? Pour les oiseaux, l’ouvrage de Jean Dorst sur les migrations a été déterminant. Faire mon DEA d’écologie dans le laboratoire de Maxime Lamotte m’a permis de rencontrer les scientifiques comme Lamotte, Blondel, Blandin, Barbault dont je guettais les publications. Fernand Verger m’a ensuite permis de mieux comprendre le littoral. A l’étranger, Rudy Drent et John Goss Custard m’ont ouvert la porte de l’écologie comportementale. Lors de mon premier séjour en Afrique, en 1986, Luc Hoffman a été mon professeur de diplomatie dans un monde que j’ignorais encore.

Pourquoi l’animal sauvage ? A l’origine, il y a l’oiseau, l’Huîtrier pie, sujet de ma thèse de doctorat que j’ai étudié pendant près de 20 ans. Mais ma curiosité allait également vers les canards, qui étaient plus «porteurs» en matière d’emploi… ce qui s’est avéré payant car dès 1989 j’ai contribué aux opérations de dénombrements d’oiseaux d’eau au Sénégal, action que je continue encore maintenant pour le compte de l’ONCFS. L’animal sauvage, c’était également l’appel de l’Afrique, avec les émissions « les animaux du monde » de François de La Grange… le virus de l’Afrique ne m’a plus quitté et le soigner nécessite 3 à 4 séjours par an en terre africaine.

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Si vous en étiez un ? Je serais Phaéton, pour sa beauté, son côté mystérieux, ses longs voyages en mer. Je serais Gorille car finalement, j’aurais aimé travailler sur les grands Primates. Et je serais tortue, pour voir l’évolution du monde pendant une longue période.

Phaéton à bec rouge

La ou les plus belles rencontres de vie/faune sauvage? Il y en a eu tellement. Mais pouvoir admirer, bien que de loin, le Bec-en-Sabot, a été un moment fantastique. Ma première rencontre des Eléphants au Burkina Faso restera gravée dans ma mémoire, d’autant qu’elle a été suivie d’un épisode fort de lutte anti-braconnage auquel j’ai été mêlé accidentellement.

Votre coin de nature préféré ? Le delta du fleuve Sénégal est mon deuxième chez-moi. Je le vois évoluer, pas forcément en bien, mais sa résilience est surprenante et permet de relativiser notre approche du fonctionnement des écosystèmes. Le parc national d’El Kala en Algérie vaut également le détour pour la diversité de son avifaune et pour comprendre les pressions qui s’exercent sur les écosystèmes aquatiques.

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Le lieu mythique où vous rêvez d’aller ? Le delta de l’Okavango, un lieu encore sauvage, bien que de plus en plus convoité, ou l’Amazonie, pour l’extraordinaire biodiversité qui s’y trouve.

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 L’œuvre (la vôtre ou celle d’un autre) qui vous semble illustrer le mieux votre parcours ? «Eléments d’écologie» de François Ramade, un ouvrage généraliste majeur, permettant de disposer des bases de travail pour approfondir ensuite sur des domaines plus personnels. Les ouvrages de Robert Barbault et de Jacques Blondel ensuite car ils ont apporté l’un et l’autre une approche moderne de l’écologie et ont fait le lien avec la pensée anglophone.

Quelles sont vos techniques de rencontre avec l’animal sauvage ? Il n’est pas besoin de « galérer » pour faire des études. Plus le confort est assuré, mieux on peut se concentrer sur l’essentiel, l’observation. Alors, toujours penser à son propre confort… y compris l’ornithomobile.

Un conseil au débutant dans votre activité, que lui diriez-vous? Prendre le temps, ne pas griller des étapes. Il faut s’inscrire dans la durée, bâtir son avenir par étapes, ne pas jalouser les autres mais avancer par la compétence, l’expérience.

Un animal disparu revient, lequel ? Le grand Pingouin… Il y en a deux naturalisés dans la Somme. Trop dommage de ne pouvoir l’observer en mer. Un animal mythique : le Phénix sans hésitation.

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Une initiative prise ou à prendre en faveur de la faune sauvage, laquelle ? Considérer que la nature commence dès son balcon, son jardin et que chaque petit geste peut contribuer à sauvegarder la biodiversité

Une association qui vous tient à cœur ? Conservation International, qui œuvre avec beaucoup d’efficacité.

Une urgence pour la faune sauvage, pour la vie sauvage? Apprendre à vivre avec la nature, considérer qu’elle n’est pas remplaçable.

En conclusion, vous disparaissez ce soir, quel est votre dernier message ? Ne jamais renoncer.

 

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