A l’ONU, 150 dirigeants mondiaux affichant leurs ambitions pour la biodiversité

« L’humanité est en guerre contre la nature. » C’est par ce sombre constat que le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a ouvert le premier sommet sur la biodiversité à New York, mercredi 30 septembre, tout en appelant à « changer de cap ». Près de 13 millions d’hectares de forêts qui disparaissent chaque année, 1 million d’espèces menacées d’extinction, des populations de vertébrés qui ont fondu en cinquante ans… De nombreux orateurs ont souligné l’urgence à agir, mais aussi le lien entre érosion de la biodiversité et émergence de maladies zoonotiques, telles que le Covid. « Le déclin des écosystèmes est l’une des principales menaces pour l’humanité »,a résumé le président de la 75e session de l’assemblée générale de l’ONU, Volkan Bozkir.

Quelque 150 chefs d’Etat et de gouvernement se sont exprimés par le biais de messages préenregistrés, les organisateurs du sommet ayant croulé sous les demandes de dirigeants souhaitant faire une déclaration. Ce rendez-vous visait à susciter un élan politique avant la 15e Conférence des parties (COP) de la Convention de l’ONU sur la diversité biologique, désormais prévue en 2021 en Chine.

« Ce sommet aurait dû être la dernière étape avant la COP [initialement programmée en octobre 2020], il sert finalement à relancer la séquence, note Aleksandar Rankovic, chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales. On ne pouvait pas s’attendre à des engagements très concrets à ce stade, mais il fallait que les Etats affirment l’importance politique de ce sujet. »

« Avidité internationale »

L’intervention du dirigeant chinois, qui s’était jusqu’ici peu exprimé sur la COP15, était particulièrement attendue. S’il n’a pas fait d’annonce forte, Xi Jinping a appelé à promouvoir la « civilisation écologique » et à poursuivre le multilatéralisme. « La Chine est prête à prendre des responsabilités internationales en proportion de son niveau de développement », a-t-il ajouté. « Pékin appelle à la conclusion d’un accord ambitieux, relève aussi Aleksandar Rankovic, mais il faudra voir comment aboutir à cela en pratique. Une mobilisation de la diplomatie chinoise un peu plus importante serait la bienvenue. »

Sans surprise, le président brésilien, Jair Bolsonaro, a de nouveau accusé les ONG et les gouvernements étrangers « d’interférer » avec la souveraineté de son pays et condamné « l’avidité internationale » à l’égard de la forêt amazonienne. Depuis des mois, Brasilia joue la carte de l’obstruction dans le processus de négociations de la COP.

Sur la rive opposée du QG new-yorkais de l’ONU, de l’autre côté de l’East River, les militants de Greenpeace ont installé mercredi deux statues de glace représentant Jair Bolsonaro et son homologue américain Donald Trump, l’un des grands absents du sommet, pour dénoncer leur inaction. « Ce sont les visages de l’extinction », a dénoncé l’ONG.

Criminalité environnementale

Le président Emmanuel Macron a, lui, réaffirmé « la mobilisation » de Paris, en confirmant qu’un One Planet Summit, rassemblant des chefs d’Etat et de gouvernement, se tiendrait bien en France en janvier 2021, malgré le report du congrès de l’Union internationale de conservation de la nature prévu à cette période à Marseille. Il a exhorté à mettre fin à la criminalité environnementale et a invité l’ensemble des Etats à rejoindre la coalition menée par la France et le Costa Rica, qui porte l’objectif de protéger 30 % des terres et des mers d’ici à 2030, dont 10 % en protection forte.

La jeune militante indienne Archana Soreng a toutefois mis en garde les dirigeants. Attention à ce que cette mesure ne devienne pas « le plus grand accaparement de terres de l’histoire », a-t-elle averti, en appelant à protéger à la fois la biodiversité et les droits des peuples autochtones.

Lundi, plus d’une soixantaine d’Etats ont signé une déclaration dans laquelle ils s’engagent à mettre fin à l’érosion de la biodiversité d’ici à 2030. « Cette vaste mobilisation est un signe positif, mais nous attendons de voir des résultats concrets », a réagi Tyler Kruse, le porte-parole de la branche américaine de Greenpeace. « Nous en avons marre de vos promesses restées lettre morte, a aussi lancé Archana Soreng lors du sommet, en affirmant parler au nom de sa génération. Nous sommes prêts à lutter pour la biodiversité. Ma question est : êtes-vous prêts ? »

Source : Le Monde