Biodiversité: l’ONB met l’accent sur les pressions anthropiques

Oiseaux, chiroptères, habitats naturels, artificialisation, pesticides, espèces invasives… Tous les indicateurs sont au rouge, selon le bilan diffusé ce 18 juin par l’Observatoire national de la biodiversité (ONB).

«La disparition des oiseaux des campagnes françaises pourrait à court terme ne plus relever de la science-fiction», alerte le bilan annuel de l’ONB, qui s’enrichit d’année en année, avec des données ne touchant plus seulement les espèces mais aussi les écosystèmes et les pressions qui s’exercent sur la biodiversité. «Nous voulons être un hublot sur les connaissances», résume Julien Massettti, chef de projet à l’Observatoire instauré par le Grenelle de l’environnement, mis en place en 2012 et transféré à l’Agence française de la biodiversité (AFB).

90 INDICATEURS DE SUIVI

Aujourd’hui, l’ONB publie 90 indicateurs de suivi de l’état de la biodiversité française, principalement terrestre. Au rayon des mauvaises nouvelles, non seulement les oiseaux disparaissent mais les espèces généralistes ne contrebalancent plus, depuis 2005, la chute des espèces spécialistes des milieux agricoles (30% de moins depuis 15 ans en France). Un phénomène qui a été récemment décrit par une étude du CNRS et du MNHN[1].

Autre fait marquant: la régression de la population de chauves-souris de 38% entre 2006 et 2016.

Ponapomi. C’est le nom du nouveau portail dédié aux poissons migrateurs amphialins, dont une partie du cycle biologique se déroule en milieu marin et une partie en eau douce. En ligne depuis le 22 mai dernier et réalisé par l’Agence française de la biodiversité (AFB), il concerne 11 espèces en France métropolitaine, dont l’anguille européenne (en danger critique d’extinction selon l’Union internationale pour la conservation de la nature), le saumon atlantique, l’esturgeon, les aloses et les lamproies.

L’ACCENT SUR LES PRESSIONS

Si les causes sont connues, leur importance se précise. A commencer par la consommation de pesticides, qui a encore progressé de 18% entre 2013 et 2015 dans l’Hexagone, se moquant du plan Ecophyto 1 visant une réduction de 50% entre 2008 et 2018. Un chiffre d’ailleurs au-dessous de la réalité puisqu’il ne vise que les pesticides épandus et non les traitements de semences.

Deuxième menace: l’artificialisation des sols, qui grimpe plus vite que la population, à raison de 55.000 hectares de terres agricoles et d’espaces naturels par an depuis 2006. Soit l’équivalent du département de Seine-et-Marne. Il faut encore ajouter la disparition des prairies permanentes, particulièrement riches en biodiversité (700.000 ha en moins entre 2000 et 2010), et l’état de conservation défavorable dans lequel se trouvent 73% des habitats naturels et 91% des habitats humides. Sans oublier le réchauffement climatique, les pollutions industrielles et l’ampleur croissante des espèces invasives. «Sur 84 espèces invasives terrestres étudiées, 5 se sont installées durablement en France depuis 10 ans, dont le frelon asiatique, la pyrale du buis et la coccinelle asiatique», note Laurent Poncet, directeur adjoint de l’UMS Patrinat[2].

ENTRE LES LIGNES

«Nous devons aller plus loin concernant les poissons, les insectes, les différentes pressions sur la biodiversité, l’évaluation des politiques publiques, les informations territoriales et les données autres que les indicateurs», observe Julien Massetti. Autant d’informations qui risquent d’assombrir un peu plus le tableau, «mais qui définissent aussi, entre les lignes, un cercle vertueux», conclut Laurent Poncet, sur une note optimiste.

Le Journal de l’Environnement / Stéphanie Senet

Cartes du cumul des pressions sur la biodiversité terrestre (en orange) et marine (en vert)
AFB – ONB


[1] CNRS: Centre national de la recherche scientifique; MNHN: Muséum national d’histoire naturelle

[2] UMS Patrinat: Unité mixte d’expertise sur la nature du MNHN et de l’AFB