Chaleur automnale en France : «L’anomalie actuelle est supérieure à celle de cet été»

Les cigales chantent et les plantes fleurissent alors que la France connaît une énième anomalie de températures en ce mois d’octobre. L’agroclimatologue Serge Zaka s’inquiète de la récurrence de ces événements et rappelle leur gravité.

Après la canicule estivale, voici les chaleurs automnales. Si les températures sont moins suffocantes que cet été, elles restent bien au-dessus des normales de saison. Déréglant la biodiversité, mais sans impacts significatifs sur la production agricole, cette nouvelle «plume de chaleur» est la neuvième anomalie de plus de 4 degrés de l’année. Un phénomène accompagné d’un déficit en pluie, particulièrement grave pour la recharge en eau des nappes phréatiques. Pour Libération, le docteur en agroclimatologie Serge Zaka revient sur ce nouvel épisode de chaleur et ses conséquences.

Que pouvez-vous nous dire sur ces nouvelles chaleurs ?

C’est une plume de chaleur, donc une remontée d’air chaud, peu large spatialement mais très au-delà des normes. On appelle ça aussi un coup de chalumeau. Normalement, ça dure quelques jours. Mais on observe que la dépression sur l’Atlantique, qui la génère, ne bouge pas depuis dix jours. Ainsi, on devrait dépasser les 30°C dans le sud de la France pour le week-end de la Toussaint. A la fin de la semaine, il va aussi y avoir une remontée de sable du Sahara, la douzième cette année, ce qui est loin d’être normal.

Cet épisode de chaleur est très visuel puisqu’on voit son poirier en fleurs et qu’on entend encore les cigales dans le Sud. Tout le monde sent qu’il se passe quelque chose. Ça aide les scientifiques à rendre compte du dérèglement climatique auprès du grand public.

A quel point cette douceur est-elle hors norme ?

C’est la neuvième anomalie de +4 degrés de 2022. Presque chaque mois de l’année a connu une longue période de chaleur exceptionnelle. En octobre, l’anomalie sera supérieure à 3,5 degrés en moyenne par rapport aux normales de saison. Pour rappel, les anomalies de mai, juin, juillet et août se situaient entre 2 et 2,8 degrés en plus. Ça a fait la une des médias car les températures étaient insupportables, et ont induit des problèmes physiques. Si ce n’est pas le cas pour ce mois-ci, il faut tout de même avoir conscience que l’anomalie actuelle est supérieure aux précédentes.

Quelles sont les conséquences de cette chaleur automnale sur l’environnement ?

La canicule estivale a eu des conséquences bien plus graves pour les végétaux. En automne, le risque porte sur le dérèglement des cycles de floraison, un symbole fort du dérèglement climatique. Pour ce qui est des productions agricoles, il ne devrait pas y avoir de conséquences économiques trop importantes. Ces températures peuvent même être intéressantes pour les fourrages, sur lesquels on a un déficit de 33 %. Peut-être que l’on va rattraper un peu de retard. Pour les cultures, beaucoup ne sont pas encore en champ. Les arbres fruitiers, eux, vont faire une nouvelle floraison. Il peut y avoir quelques pertes mais rien d’irrattrapable.

Par contre, on a très peu d’études scientifiques sur ces événements de chaleur et leurs conséquences à long terme : quelle fatigue pour le végétal qui fleurit pour rien à l’automne ? Il faut creuser la question….

Suite et fin : Libération / Eléonore Disdero / 25 octobre 2022

Photo : rtbf.be