Chasse aux trophées d’espèces menacées (suite) : la position du Comité français de l’UICN

A l’occasion de l’examen d’une proposition de loi visant à interdire l’importation et l’exportation de trophées de chasse d’espèces inscrites dans la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées (CITES), le Comité français de l’UICN exprime sa position sur ce sujet, qui fait l’objet d’une mobilisation d’associations françaises et européennes.

La chasse aux trophées est une chasse sélective pratiquée à des fins récréatives et caractérisée par la volonté d’attester et de commémorer le succès de la chasse, grâce à l’exhibition d’un trophée de chasse pouvant être tout ou partie de l’animal tué.

L’Union européenne est le 2ème importateur de trophées de chasse dans le monde, derrière les Etats-Unis, avec près de 15 000 trophées importés entre 2014 et 2018, issus de 73 espèces de mammifères inscrites à la CITES. La France est le 6ème importateur de trophées de chasse en Europe avec 752 trophées importés durant cette même période. En 2015, l’importation des trophées de lions a été interdite en France. En 2016, les Pays-Bas ont interdit l’importation de trophées de plus de 200 espèces, tout comme la Belgique le 25 janvier dernier. En Afrique, plusieurs pays ont revu ou fermé la chasse aux trophées, comme la Namibie, le Botswana et la Zambie pour le léopard, ou encore le Cameroun pour l’éléphant de forêt.

La chasse aux trophées est un sujet très débattu au sein de l’UICN, certains mettant en avant des résultats pour la conservation des espèces et d’autres jugeant qu’elle est contraire à la mission et aux principes éthiques de l’UICN. En 2016, le congrès mondial de l’UICN a demandé à mettre fin à la pratique consistant à élever des lions en captivité aux fins de l’« abattage au fusil en enclos » et à interdire par voie légale la chasse au lion issu de l’élevage en captivité. En Afrique, un rapport de l’UICN sur les aires protégées publié en 2019 montre que la grande chasse est en déclin car elle ne réussit globalement plus à conserver les habitats naturels devant l’avancée du front agro-pastoral, ne finance que quelques pour cent des montants qui seraient nécessaires à la conservation, et ses retombées socioéconomiques sont trop faibles.

Le Comité français de l’UICN estime que la chasse aux trophées d’espèces menacées n’est pas compatible avec ses valeurs éthiques, publiées dans son manifeste « L’avenir du vivant – nos valeurs pour l’action » et celles endossées par l’UICN (Charte mondiale de la Nature, Charte de la Terre, Initiative éthique pour la biosphère). Notre planète vit une crise sans précédent pour la biodiversité et nous devons repenser nos relations avec les autres espèces et les écosystèmes qui les hébergent. Le Comité français de l’UICN souhaite promouvoir d’autres modes de cohabitation et de préservation des espèces sauvages, basés sur le mieux- vivre ensemble et des politiques de coopération justes et équitables. Il ne souscrit pas au paradigme selon lequel chaque espèce devrait payer le prix de sa survie.

Le Comité français de l’UICN constate que les résultats des chasses aux trophées pour la conservation et leurs incidences sur les espèces sont sujets à critique, ainsi que les conditions de gouvernance dans les lesquelles ces chasses sont organisées, tout comme celles de la redistribution des avantages financiers aux populations locales. Les aspects culturels et sociaux posent aussi question puisque ce type de chasse est issu de la colonisation, et parce qu’il véhicule un modèle d’inégalité sociale entre des chasseurs fortunés payant pour tuer des animaux et des populations locales pauvres dont les droits ou usages de la nature peuvent être limités. Enfin, au-delà de la question des trophées, le Comité français de l’UICN est fermement engagé dans la lutte contre le trafic des espèces sauvages et notamment la revente de parties d’animaux pouvant alimenter des marchés illégaux en France. Il propose ainsi que des stratégies alternatives de conservation de la nature et de développement communautaire soient soutenues par la France.

En conclusion, le Comité français de l’UICN soutient la proposition de loi.