Coronavirus : Gypaète barbu, tétras-lyre, crapaud… La faune sauvage du Mercantour respire durant le confinement

Les espèces emblématiques du parc national ont retrouvé les conditions favorables à leur développement naturel.

  • Depuis le début du confinement, la vie sauvage reprend ses droits partout dans le monde.
  • Dans le Mercantour, les gypaètes barbus, tétras-lyre et autres bouquetins profitent de l’absence des humains.
  • Laurent Scheyer, directeur adjoint du parc national du Mercantour, dresse un état des lieux dans le massif.

Mais où sont donc passés ces gesticulants bipèdes ? Partout en France, la faune sauvage a constaté la disparition quasi immédiate des randonneurs, skieurs, pêcheurs, chasseurs et autres usagers de la nature. Dans le parc national du Mercantour, les 8.744 espèces animales n’échappent pas à la règle. S’en portent-elles mieux ? Laurent Scheyer, directeur adjoint du parc, fait le point pour 20 Minutes.

> Les gypaètes barbus couvent en paix

« Dans le Mercantour, on a la chance d’avoir cinq couples de gypaètes barbus qui ont tous pondu un œuf cette année et dont certains ont déjà éclos. Cet oiseau, aussi appelé “casseur d’os”, est extrêmement sensible au dérangement. Au niveau national, un plan d’action prévoit une zone de sensibilité majeure. Cette dernière est cartographiée et demande que tout survol et chantier bruyant soient évités afin que les animaux ne quittent pas les nids. Malgré ces dispositions, on n’est jamais à l’abri que quelqu’un s’approche trop près du nid (randonneurs bruyants, avion privé). L’actuelle quiétude va leur bénéficier. »

> Les tétras-lyres peuvent rester au fond de leur igloo

« Autre espèce qu’on essaie de protéger de la fréquentation humaine : le tétras-lyre. En hiver, cette poule de haute altitude fabrique un igloo sous la neige et s’y abrite. Elle aussi est très sensible au dérangement. Quand les skieurs de randonnée ou les randonneurs à raquettes passent à proximité, les tétras peuvent quitter leur cachette subitement et s’épuiser. Or, en ce moment, on aurait été en pleine période de pratique. L’espèce profite donc de cette période.

Pour être exact, je dois dire que ça fonctionne aussi plutôt bien le reste de l’année. Dans le parc, nous avons délimité au moins huit “Tétras-Quiet”, qui sont des zones que l’on sait appréciées des tétras et qui doivent être évitées par les randonneurs. En trois ans, on a constaté que tout le monde jouait le jeu. »

> Les crapauds n’en « croaaa » pas leurs yeux

« Sur Isola village, on a constaté que les crapauds se faisaient tuer en tentant de traverser la route. Ce sont des animaux forestiers qui ont besoin d’eau pour aller pondre leurs œufs. Au printemps, on assiste à leur migration pour rejoindre leur lieu de reproduction. Chaque jour qui passe sans véhicule, c’est autant de mortalité en moins.

Par ailleurs, depuis deux ans, on a comme objectif de construire un crapauduc, qui consiste en un passage souterrain. Pour le placer au meilleur endroit, on a installé un crapaudrome qui consiste en un grillage avec des seaux dans lesquels tombent les crapauds. Des bénévoles et des référents se rendent sur les lieux chaque matin pour vérifier les seaux et relâcher les crapauds trouvés de l’autre côté de la route. Actuellement, on a rouvert les grillages pour leur permettre de traverser en toute tranquillité, personne n’étant là pour les sortir des seaux. »

> Les bouquetins et les chamois flânent sur les parkings

« À cette période de l’année, il est très commun que les ongulés descendent assez bas dans les vallées pour manger de l’herbe fraîche après la fonte des neiges. Habituellement, des spots d’observation sont fréquentés par les randonneurs à la recherche de ces animaux. Là, ils bénéficient d’une quiétude anormale.

Toutefois, le changement est minime pour eux. Au moment où on parle, on peut imaginer qu’ils sont au bord des parkings. Si des promeneurs étaient là, cela ne les dérangerait pas beaucoup. Ils partiraient seulement cent mètres plus loin et continueraient de brouter. »

Le confinement complique la tâche du personnel du Parc

Alors que les animaux sauvages profitent de leur liberté, a contrario, « cette période peut être handicapante en tant que gestionnaire d’un espace protégé », révèle Laurent Scheyer, directeur adjoint du Parc national du Mercantour. En avril, les équipes devaient réaliser une translocation de bouquetins, en partenariat avec le parc de la Vanoise et le parc Alpi Maritime. « La population de bouquetins est en augmentation dans le Mercantour mais elle est issue des mêmes individus. Si le patrimoine génétique n’est pas enrichi, les individus risquent d’être plus sensibles aux maladies. On devait donc en amener de nouveaux dans le Mercantour pour favoriser le brassage génétique par le biais de la reproduction », explique le spécialiste. Confinement oblige, l’opération pourrait être repoussée en 2021.

Autre inconvénient, le printemps est une période très dense pour le suivi des espèces, tant au niveau sanitaire que de la répartition géographique. « Tous ces protocoles sont mis en stand-by, ce qui va provoquer des trous dans nos statistiques », précise Laurent Scheyer.

News Republic via 20 Minutes

 

 

photoUn bouquetin des Alpes photographié dans le parc national du Mercantour — R. Valarcher / PNM