Jean-Marc Thiollay : l’hommage de Michel Terrasse

« Fin des années 1950… Nous faisons mon frère Jean-François et moi nos premières découvertes ornithologiques à l’étang de Saclay. Un adolescent sort de la roselière où il admire une nichée de Foulque.

C’est Jean-Marc Thiollay !

Plus tard, nous sommes les témoins révoltés de la destruction à bout portant  par le garde de la réserve d’un splendide Grèbe huppé en pleine parade amoureuse. « C’est un nuisible… il mange notre poisson » nous dit ce chasseur !

Ce premier contact avec Jean-Marc est le point de départ d’une longue aventure commune où passion pour la nature et amitié, ne se sont jamais démenties.

Le temps passe…

L’adolescent devenu étudiant prépare son DEA en Lorraine, non loin de l’étang du Lindre. Nouvelle confrontation avec « la guerre aux nuisibles » quand Jean-Marc découvre que les nichées d’Autour des Palombes ou de Buses, qu’il suit et étudie par le baguage, sont retrouvées mortes dans des aires criblées de chevrotines. Le piège à poteau est notre obsession. En Sologne, au Pays de Caux nous découvrons leurs sinistres moissons. Faucons pèlerins, chouettes, hiboux… ces derniers bien que protégés, sont utilisés pour toucher la prime de destruction en Mairie. Tout cela nous offre un sujet d’étude pour rétablir la vérité et développer des actions commandos afin de détruire ces pièges mortels.

Jean-Marc y excelle !

Même si elles se terminent parfois en véritables chasses à l’homme…

Mais les temps changent. Grâce à des études toujours plus nombreuses consacrées au véritable rôle joué par les rapaces et par les prédateurs en général,  comme celles que développent Jean-Marc,  les lois changent et se préparent à la protection légale totale des oiseaux rapaces.

La création du FIR en 1969, dont Jean-Marc sera l’un des piliers, consacrera ce changement profond dans les mentalités.

En 1972, Jean-Marc prépare maintenant son Doctorat en Ecologie à Lamto Côte d’Ivoire, sur les rapports prédateurs-proies. Il m’invite à faire avec lui sa tournée de contrôle/ dénombrement des rapaces et de leurs proies (acridiens surtout) le long d’un vaste itinéraire de la Côte d’Ivoire au Niger en passant par le Bénin et le Burkina Faso. Véritable voyage initiatique pour moi qui ignore tout de l’Afrique où je découvre en même temps la personnalité rare et très forte de celui que nous appelons « Tonton Lamto » !

Voyage parfois difficile où tout est consacré au succès du but poursuivi, sans aucune concession ni à la recherche du moindre confort, ni aux plaisirs du tourisme de vision nature. Jean-Marc est lui parfaitement là, à son affaire… Et mes souvenirs parfois difficiles mais toujours passionnants de ce premier voyage en Afrique, resteront marqués par la personnalité très forte de ce jeune chercheur.

C’est lors de ce périple, riche en péripéties de tous ordres que nous allons vivre ensemble une émotion majeure. Cheminant dans une forêt galerie, noyés dans une brousse épaisse à herbe à éléphant, nous tombons nez à nez sur une Lionne suitée de deux lionceaux nouveaux nés ! Ce qui aurait pu être un cauchemar,  se terminera comme un miracle par un séjour d’une bonne demie heure, accrochés aux branches d’un arbuste, terrorisés puis ensuite admiratifs devant les charges de cette mère en furie qui se terminent à moins de deux mètres sous nos pieds…

 

Rien ne peut ni ne pourra effacer tous ces souvenirs de passion et de combats.

Jean-Marc, tu resteras pour nous tous un modèle de travail et d’engagement pour cette cause que tu as su si bien défendre.

Aujourd’hui, c’est la première fois que tu ne seras pas là, aux côtés de Françoise, nous montrer les Grues, récemment arrivées pour leurs vacances d’hiver à côté de votre maison.

Je fais le vœu complétement fou que leurs clameurs viennent distraire un peu ton dernier sommeil. »

Michel Terrase, Rouilly-Sacey et Troyes, le15 Novembre 2021

 

Docteur en écologie et ex-Directeur de recherche au CNRS (ENS et MNHN Paris) jusqu’en 2005 (écologie et conservation d’oiseaux tropicaux africains, américains et asiatiques), fortement impliqué depuis dans l’étude et la conservation des oiseaux en Champagne Ardenne et dans le Grand Est (Parc naturel régional, LPO, CSRPN, etc…) ainsi que organismes internationaux (UICN, CMS, etc…), infatigable voyageur, spécialiste mondial des rapaces qui a largement contribué à leur connaissance et à leur préservation, Jean-Marc Thiollay est décédé le 5 novembre à l’âge de 79 ans.

Il laisse une bibliothèque de plus de 17 000 livres – constituée en grande partie sur ses propres deniers – qu’il a léguée à la municipalité de Ménigoute. Dominique Brouard, créateur et président du Festival International du Film Ornithologique, est l’artisan de cette cession et en parle sur sur Ouest France : ICI

photo Michel Pourny

2004/Delachaux et Niestlé

 

photo couv : Jacques Fretey