En Ecosse, le chat sauvage des Highlands menacé

Robuste, massif et connu pour son caractère insaisissable et noctambule, le mammifère le plus en danger du Royaume-Uni fait l’objet d’un programme financé par l’UE voué à encourager sa reproduction.

Comme le monstre du Lochness ou la licorne, le chat sauvage des Highlands fait partie intégrante du bestiaire écossais. Reconnaissable à sa queue particulièrement touffue et son gabarit massif, le Felis silvestris grampia est aussi le mammifère le plus en danger du Royaume-Uni, selon une récente classification de l’organisme Mammal Society. Vivant désormais principalement dans le nord de l’Ecosse, seules quelques dizaines de ces félins seraient encore en vie. La faute à des décennies de chasse, de détérioration de leur habitat naturel mais aussi d’hybridation avec des chats domestiques. Pour David Barclay, de la Royal Zoological Society of Scotland (RZSS), «c’est un symbole de la nature sauvage, une espèce solitaire capable de survivre dans les rudes conditions climatiques des Highlands».

Son caractère insaisissable et noctambule lui donne ainsi une aura presque mystique. «On en parle beaucoup mais peu de personnes ont eu la chance d’en voir un.» Sur Facebook, un groupe dédié permet à plus d’un millier de personnes de partager images et anecdotes à son sujet. Le félin est aussi l’emblème du clan Chattan, dont la devise «Touch not the cat bot a glove» («Ne touchez pas au chat sans gant») fait référence à la férocité de l’animal.

«Sans effort de notre part, l’espèce pourrait s’éteindre» 

Outre sa résonance culturelle, sa disparition affecterait tout un écosystème. «Le chat sauvage joue un rôle important en tant que carnivore, explique le conservateur animalier. Nous devons trouver un équilibre au sein des espaces naturels [de la région].» Créé en 2019 à la suite de précédentes missions, le projet Saving Wildcats sur lequel travaille David Barclay a pour but de multiplier la population de ces félins et de les réintroduire dans leur milieu naturel. «Nous nous sommes rendu compte que la situation était encore plus critique que ce que nous pensions, explique-t-il. Sans effort de notre part, l’espèce pourrait s’éteindre dans les années à venir.»

Financé par l’Union européenne à hauteur de 3,5 millions d’euros sur six ans, le projet réunit l’expertise de multiples organismes spécialisés dans la conservation d’espèces animales, de la Suède à l’Espagne. Objectif : la réintroduction de premiers chats sauvages dans les Highlands d’ici 2022. Aux dernières nouvelles, le Brexit ne devrait pas en impacter la faisabilité. Caméras installées en pleine forêt, capture de chats errants, tentatives de reproduction dans des zoos et espaces naturels… Les activistes de l’île redoublent donc de patience et d’énergie pour accroître les chances de développement de l’animal. «La coopération avec la population est indispensable, souligne David Barclay. On peut parler de l’hybridation comme étant presque le dernier clou sur le cercueil du chat sauvage.» Des campagnes de stérilisation et de vaccination sont régulièrement organisées dans ce sens dans les zones à risque.

Une centaine de chats sauvages dans la réserve d’Alladale

Des efforts qui semblent porter leurs fruits : trois chatons sont finalement nés au printemps dans la réserve sauvage d’Alladale, propriété du philanthrope écossais Paul Lister. «C’est une réussite, nous avons désormais une population de 120 animaux [en Grande-Bretagne], se réjouit David Barclay. Cette année a été une très bonne saison en termes de reproduction. Nous pouvons désormais les placer en captivité pour ensuite les relâcher.» Pour accélérer le processus, le projet Saving Wildcat Action s’apprête à franchir une nouvelle étape en créant prochainement un espace spécialement dédié à la reproduction à Kincraig, dans les Highlands. «Quand les chatons seront assez âgés, ils auront ainsi plus d’espace et de moins en moins de contacts avec les humains. Nous voulons les préparer au mieux à la vie sauvage, explique David Barclay, avec le souhait d’enfin établir une population viable pour les générations à venir. Si nous nous préoccupons vraiment de l’état de notre faune, nous devons faire tout notre possible pour protéger ces animaux.»

Julien Marsault correspondance à Glasgow/Libération, 23 août

 

photo : Environ 120 chats sauvages des Highlands sont présents en Grande-Bretagne. Photo Tom Langlands Photography