Faire payer l’entrée dans les parcs nationaux français ? Une idée émergente « délicate à assumer politiquement »

Pour répondre au manque de financement des parcs nationaux, certains spécialistes, pour l’instant minoritaires, réfléchissent à l’instauration de droits d’accès à certaines zones naturelles protégées.

Faire payer l’accès à la nature en France ? Le président de la République Emmanuel Macron doit annoncer, jeudi 13 février, depuis Chamonix (Haute-Savoie), de nouvelles mesures pour protéger le massif du Mont-Blanc et son écosystème. La veille, lors du quatrième conseil de défense écologique, il avait confirmé la création de quatre nouveaux parcs naturels régionaux − mais toujours sans nouvel engagement financier de l’Etat.

Pour pallier à ce manque de moyens et afin de limiter les effets d’une fréquentation parfois hors de contrôle, certaines voix du monde de l’environnement appellent à réfléchir à l’idée d’un accès payant à certains espaces naturels protégés. Etudiée dans un rapport d’experts en 2018, reprise par Nicolas Hulot avant qu’il ne parte du gouvernement, cette proposition doit encore faire sa place dans le débat public.

Payer un ticket pour randonner dans un parc national est pourtant monnaie courante dans d’autres pays, aux Etats-Unis, en Corée du Sud, au Costa Rica ou au Chili par exemple − où les droits d’entrée représentent près de la moitié du budget des parcs. Mais, en France, une telle mesure est « complètement taboue », regrette Gilles Martin, le président du conseil scientifique du parc national de Port-Cros (Var).

« Il n’est pourtant pas anormal de payer son entrée dans un “musée” naturel comme on paye son entrée dans un musée d’art comme le Louvre. » Simon Jolivet, qui a conduit une étude juridique sur le sujet, parle lui d’un « impensé ». « Pour le patrimoine culturel, explique-t-il, les droits d’entrée sont actés depuis cent ans. Cela avait fait du bruit à l’époque, mais on n’en parle plus vraiment aujourd’hui. » Selon ce maître de conférences en droit public à l’université de Poitiers, au sujet du patrimoine naturel, « la réflexion a été bridée, sans même que l’on s’en rende compte ».

Dégager de nouveaux financements

Le ministère de la transition énergétique, qui gère les parcs nationaux, « est l’un des ministères qui, traditionnellement, payent le plus lourd tribut à la réduction des dépenses de l’Etat » depuis des années, selon Simon Jolivet, qui est également secrétaire général adjoint de la Société française pour le droit de l’environnement.

Depuis 2012, dénoncent les syndicats, la création de deux nouveaux parcs nationaux – dans les Calanques de Marseille et en Bourgogne – s’est faite sans augmentation du budget alloué à l’ensemble de ces parcs. Cela a notamment conduit, en 2018, le Commissariat général au développement durable (CGDD), un cercle de réflexion lié au gouvernement, à se pencher sur de nouvelles pistes de financement pour les parcs nationaux.

Parmi les quelques idées explorées figure celle des droits d’accès. Conscients de la sensibilité du dossier, les experts suggéraient alors au gouvernement d’« examiner l’opportunité de lancer une réflexion approfondie » sur la mise en place d’accès payants à la nature protégée.

Quelques semaines plus tard, Nicolas Hulot, encore ministre, reprenait ces recommandations dans son plan biodiversité. La « participation du public » comme l’« ouverture au mécénat » sont « autant de voies à explorer » pour le financement du secteur, affirmait alors le ministère.

Mais ces propositions se heurtent à un mur. « C’est une aberration », tonne le Syndicat national de l’environnement (SNE-FSU). « Faire payer un droit à la nature ? Nous sommes totalement contre », ajoute la CGT-Environnement. « Nous sommes un service public, un service au public, nous ne sommes pas là pour faire payer des entrées », tonnent ces professionnels de la protection de la nature, attachés au financement étatique des parcs nationaux…..

Suite de l’article d’Ulysse Bellier dans Le Monde/13 février

photo : Parc national des Ecrins, en 2015. Selon un syndicaliste, le parc a perdu environ 20 % de ses effectifs en dix ans. PHILIPPE DESMAZES / AFP