Incendies australiens: le réchauffement ne se cache plus

Le réchauffement climatique a bien contribué aux incendies qui ont dévasté le sud de l’Australie en durant l’été austral, révèle une grande étude publiée mercredi 4 mars par des climatologues du consortium international World Weather Attribution. En moyenne, il aurait accru le risque d’une telle catastrophe de 80% en moyenne, probablement beaucoup plus.

Depuis septembre 2019, plus de 11 millions d’hectares de terres australiennes ont brûlé, dont 5,8 millions d’hectares de forêt. Soit 21% de la forêt tempérée australienne, dans un pays qui, les années les plus intenses, n’en voit partir en fumée que 2%. Publiés fin février dans Nature Climate Change, ces chiffres seraient en-deçà de la réalité: non seulement la saison des incendies n’est pas close, mais la Tasmanie n’a pas été intégrée dans ces calculs.

Les dégâts sont gigantesques à bien des égards. Primo, sur la biodiversité, avec environ 1,5 milliard d’animaux morts dans les incendies, dont nombreux appartiennent à des espèces déjà menacées, endémiques à l’Australie. Selon un bilan dressé fin janvier par le ministère australien de l’environnement, 327 espèces menacées ont ainsi vu disparaître au moins 10% de leur habitat.

Deuxio, sur le climat: en trois mois, ces feux ont émis 400 millions de tonnes de CO2, l’équivalent des émissions annuelles de l’Australie. Tertio, sur la santé publique: outre les 34 décès directement liés aux incendies, l’impact de la pollution de l’air, qui ne sera connu que dans quelque années, pourrait être désastreux. Selon une étude publiée en 2016, les incendies qui ont frappé Sumatra et Bornéo en 2015 ont entraîné un surplus de 100.000 décès en Indonésie, en Malaisie et à Singapour.

L’ÉTÉ AUSTRAL DE TOUS LES RECORDS

Derrière ces incendies australiens, comme pour la canicule européenne de l’été 2019, le réchauffement climatique est de nouveau pointé du doigt. A raison, comme le confirme l’étude publiée mercredi 4 mars par Geert Jan van Oldenborgh, de l’Institut météorologique royal des Pays-Bas, et ses collègues, membres du groupe World Weather Attribution.

Les chercheurs rappellent d’abord les conditions exceptionnelles que connaît l’Australie au cours de cet été 2019-2020. Il s’agit, de très loin, d’un record absolu dans le pays, avec une température moyenne supérieure de 2,61°C à la période 1961-90, voire 4,15°C pour la température maximale –soit 1°C de plus que le précédent record de 2012-13[1]. Huit des jours les plus chauds enregistrés dans le pays sont survenus en décembre 2019.

Selon les chercheurs, de telles vagues de chaleur sont 10 fois plus probables en 2019 qu’elles ne l’étaient en 1900. D’une fréquence d’une fois tous les 85 ans, elles devraient, statistiquement, revenir tous les 8 ans, estiment-ils. Si la situation n’est guère meilleure pour les précipitations, l’année 2019 étant la plus sèche depuis les premiers relevés de 1900, l’équipe ne décèle aucune tendance significative, en raison d’une forte variabilité interannuelle des précipitations.

DES INCENDIES DEVENUS PLUS PROBABLES

Les chercheurs ont ensuite intégré ces données de température et de précipitations dans un Fire Weather Index, mesure du risque d’incendie selon les conditions météorologiques. Par rapport à 1900, des incendies d’une telle ampleur sont devenus quatre fois plus fréquents, au très strict minimum: en moyenne, un tel évènement survenait tous les 800 ans en 1900 (par extrapolation), alors que sa périodicité atteint désormais 31 ans.

Analysant plusieurs modèles climatiques, les chercheurs ont ensuite analysé l’empreinte du réchauffement sur ce phénomène. Selon leurs prudents calculs, le risque d’un tel incendie, du seul fait du changement climatique, aurait été accru au minimum de 30%, mais en moyenne de 80%. Ces résultats sont toutefois bien au-delà de la réalité, estiment-ils, en raison de la tendance des modèles climatiques à surestimer la variabilité des extrêmes de température.

Sans surprise, la situation est vouée à s’aggraver: en cas de réchauffement de +2°C (contre +1°C actuellement), le risque de tels incendies pourrait s’accroître d’un facteur d’au moins 4 par rapport à 1900, voire 8, selon les modèles climatiques, là aussi des chiffres probablement sous-estimés.

Selon Geert Jan van Oldenborgh, «les modèles climatiques peinent à reproduire les évènements climatiques extrêmes, ainsi que leur tendance au fil du temps. Ils tendent ainsi à sous-estimer la hausse du risque d’incendies, tels que ceux qu’a subis l’Australie ces derniers mois. Nous savons que la hausse depuis 1900 est de 30% au plus bas, ce qui est déjà un effet significatif».

Des causes également naturelles, mais exceptionnelles. Au-delà de l’effet du changement climatique, des oscillations naturelles de la circulation atmosphérique ont connu en 2019 des anomalies très marquées, qui ont accru le risque de tels incendies. Deux oscillations sont particulièrement en cause: l’Indian Ocean Dipole et l’oscillation antarctique. Sans lien avec le réchauffement, cette configuration exceptionnelle pourrait expliquer, à hauteur d’un tiers pour chacune des oscillations, la forte sécheresse endurée par l’Australie en 2019, estiment les chercheurs. En revanche, elles ne présentent aucun lien avec les vagues de chaleur.

 


[1] Selon Météo France, la température moyenne enregistrée, cet hiver en France, a été supérieure de 2,7 °C à la moyenne observée depuis le début du XXe siècle.