Le thon rouge, rescapé mais toujours convoité

Les quotas ont évité l’effondrement du stock, mais sa bonne santé retrouvée ne profite qu’à la pêche industrielle.

Le départ des grands senneurs a laissé comme un vide dans le port de Sète, dans l’Hérault. Ces immenses navires de pêche de 30 à 40 mètres de long en sont les vedettes onze mois sur douze. Ils ne prennent la mer que de fin mai à fin juin, en quête d’un poisson qui rapporte gros : le thon rouge (Thunnus thynnus). Au total, vingt-deux bateaux industriels français opèrent en Méditerranée, pour eux la pêche a débuté le 26 mai. Comme les années précédentes, c’est une campagne éclair qui s’annonce : deux ou trois semaines aller-retour tout au plus. Fin mai s’est répandue la nouvelle d’une capture de 1 000 tonnes en une seule journée. A ce rythme, les marins auront vite atteint les 4 871 tonnes qui leur sont allouées – soit 80 % du quota de 6 026 tonnes attribué à l’ensemble des pêcheurs de Méditerranée.

A 10 euros le kilo vendu, la pratique est très rentable, mais n’anime guère les quais. Les thons n’y seront jamais débarqués. Capturés à l’aide d’un immense filet appelé senne, et transférés en pleine mer dans des cages sous le contrôle d’une caméra qui évalue les prises, ils sont ensuite remorqués sous la surface à toute petite vitesse vers des fermes aquacoles de Malte ou des Baléares espagnoles. Là, ils sont engraissés quelques mois, afin de satisfaire l’appétit des marchés japonais, où les mastodontes de 200 ou 250 kg seront ensuite exportés et vendus à prix d’or. Pêcher si peu de temps pour gagner autant : voilà qui fait rêver certains jeunes élèves du lycée maritime de Sète, mais sur le port, la grogne point chez les « petits métiers » comme on les nomme ici : les artisans qui travaillent à la ligne, la canne ou la palangre, des techniques beaucoup plus sélectives que la senne….

Suite dans Le Monde du 8 juin

 

photo :Une opération de transfert de thons rouges dans un parc d’engraissement de Malte, en mai 2017. JEAN-MARC BALSIÈRE