Lobbying : les chasseurs caressés dans le sens du poil par le gouvernement

a réforme de l’activité cynégétique préparée par le gouvernement devrait entériner une baisse du prix du permis de chasse.

Un permis de chasse à prix réduit : ce devrait être la mesure la plus percutante de la réforme promise par Emmanuel Macron aux porteurs de fusil. Avec l’espoir, décryptent certains, de capter des voix dans le monde rural, quitte à mécontenter les associations de défense de l’environnement, ulcérées à l’idée d’un cadeau aux tueurs de gibier. Le dossier sent la poudre. Ce n’est du reste pas au ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, qu’il a été confié, mais à son secrétaire d’Etat Sébastien Lecornu. Après avoir consulté tous les acteurs, celui-ci a remis ses propositions au chef de l’Etat et au premier ministre, qui devraient arbitrer prochainement.

Parmi tous les groupes d’influence, celui des chasseurs, représenté par l’influent lobbyiste Thierry Coste, possède il est vrai une puissance de feu considérable. Par leur nombre d’abord : 1,2 million de pratiquants selon leur fédération nationale (FNC), ce qui fait de cette activité, vante-t-elle, « le troisième loisir des Français », après le football et la pêche. Cela, même si leurs effectifs ont fondu de moitié au cours des quatre dernières décennies, un déclin qu’ils veulent enrayer en « démocratisant » l’accès à la gâchette.

Ensuite, par les très efficaces relais dont ils disposent chez les élus locaux et au Parlement – à l’Assemblée nationale, où le groupe d’études Chasse et territoires fédère 118 membres de tous bords politiques, comme au Sénat, où le groupe Chasse et pêche compte 68 affiliés.

Dès la mi-février, le président de la FNC, Willy Schraen, reçu à l’Elysée par le chef de l’Etat, claironnait victoire : « Dans un échange extrêmement cordial et constructif, le président de la République a donné son feu vert pour ouvrir le chantier de la réforme du permis de chasser à 200 euros », affirmait-il. Deux cents euros pour la validation annuelle nationale, contre 400 euros aujourd’hui pour la formule complète « petit et grand gibier ». Fin mai, dans Le Figaro, M. Lecornu a confirmé le principe d’une baisse, mais sans la chiffrer. L’objectif, a-t-il expliqué, est d’« améliorer l’accessibilité à la pratique de la chasse » et de « simplifier le système ».

Passe d’armes

L’affaire a donné lieu à une passe d’armes au ministère de l’écologie. « Pour l’instant, rien n’a été décidé », assurait Nicolas Hulot sur France Inter, le 6 juin, ajoutant : « Jusqu’à preuve du contraire, le ministre concerné, c’est moi. » Quelques jours plus tard, sur Europe 1, Sébastien Lecornu ripostait : « Je proposerai une simplification du permis de chasse qui conduira probablement à une diminution de celui-ci, parce qu’en retour, nous allons demander des choses aux chasseurs, notamment en matière de protection de la biodiversité ou de restauration des milieux naturels. »

« Vouloir réduire une fiscalité écologique appuyée sur le prélèvement d’un bien commun c’est-à-dire la faune – est une hérésie, s’étrangle Yves Vérilhac, le directeur général de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). Il faudrait au contraire l’augmenter. Le tarif actuel de 400 euros pour le permis national est très faible au regard de la valeur vénale d’un grand gibier tel qu’un cerf ou un chamois, qui dépasse 1 000 euros pièce. »

La formule finalement retenue par le gouvernement pourrait être celle d’un permis unique, pour tout le territoire, dont le prix se rapprocherait de l’actuelle validation départementale, autour de 150 euros. Mais la réforme en gestation est plus vaste. Elle vise aussi à mettre en place une « gestion adaptative des espèces ». En clair, à augmenter ou à réduire les quotas de chasse autorisés pour chaque type de gibier, en fonction de l’état de leurs populations.

Si elles ne sont pas hostiles à ce principe, les ONG sont, là encore, sur leurs gardes. « Nous sommes favorables à une réforme de la chasse à la française, la plus rétrograde d’Europe, avec 64 espèces chassables – plus que dans aucun autre pays –, dont 20 sont pourtant classées en mauvais état de conservation dans la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature », précise Yves Vérilhac. Parmi elles – toutes des oiseaux – figurent par exemple la barge à queue noire, la macreuse brune, le courlis cendré, la sarcelle d’été et la tourterelle des bois.

Mais, poursuit le directeur de la LPO, « il est hors de question que, sous prétexte de gestion adaptative, on ajoute de nouvelles espèces au tableau de chasse ». Car, « même si cette activité n’est pas la cause principale de la perte de biodiversité, surtout imputable à la destruction des habitats naturels, elle ne fait que l’amplifier ». Un grief qui courrouce les chasseurs, prompts à se revendiquer comme les meilleurs « protecteurs de la nature ». Le gouvernement, lui, assure vouloir agir dans l’intérêt bien compris de la biodiversité autant que des chasseurs….

Suite dans Le Monde/24 août

 

photo : La Fédération nationale de la chasse recense plus de 1,2 millions de pratiquants en France. JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP