L’Office français de la biodiversité devra enrayer le déclin de la nature

La création de l’établissement public, le 1er janvier, a été précédée par de longs débats entre ses différentes composantes.

Protection des coraux d’outre­mer, sauvegarde du bouquetin des Pyré­nées, lutte contre la chasse illé­gale de la grive à la glu… Les mis­sions qui attendent l’Office fran­çais de la biodiversité (OFB) sont nombreuses. Cet établissement public a officiellement vu le jour le 1er janvier 2020, après de longs débats. Né de la fusion, d’une part, de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) – qui était chargé princi­palement de l’examen du permis de chasse, de la police de l’envi­ronnement et de la chasse ainsi que de l’étude sur la faune sau­vage–et, d’autrepart,de l’Agence française pour la biodiversité (AFB), elle­ même issue du regrou­pement de l’Agence des aires ma­rines protégées, de l’Atelier tech­nique des espaces naturels, de l’Office national de l’eau et des mi­ lieux aquatiques et des Parcs na­tionaux de France. L’OFB doit dé­sormais assurer la préservation et la restauration de la biodiversité. Pendant longtemps, le rappro­ chement des deux établisse­ments, préconisé par les associa­tions écologistes, a buté sur l’op­position du monde de la chasse et son 1,2 million de pratiquants. Si les chasseurs ont finalement ac­cepté la fusion, c’est moyennant plusieurs « cadeaux ». Tout d’abord le prix du permis national de chasse a diminué, passant de 400 euros à 200 euros, ce qui devrait, selon l’influente Fédération nationale des chas­ seurs (FNC), relancer « un loisir » en perte de vitesse. Cette déci­sion, qui avait été prise lors d’une réunion tenue, le 27 août 2018, à l’Elysée et à laquelle participait le conseiller politique et lobbyiste des chasseurs, Thierry Coste, avait contribué à la démission du ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot. Cette baisse de moitié du prix du per­mis national a finalement été in­tégrée, avec une certaine discré­tion, dans loi de finances de 2019.

Ensuite, les chasseurs ont ob­tenu qu’un certain nombre de missions leur soient confiées. C’est ainsi que leurs fédérations élaboreront à l’avenir les plans de chasse au grand gibier (cerf, che­vreuil, sanglier…), qui relèvent ac­tuellement des préfets. Une « ges­tion adaptative » doit aussi être mise en place : cette façon de pro­céder consiste à augmenter ou à réduire les quotas de prélève­ments autorisés pour chaque es­ pèce en fonction de l’état de sa population.

Pouvoirs de police renforcés

Au total, un budget de 20 millions d’euros devrait être attribué aux missions des chasseurs. Ces der­ niers « seront présents, a confirmé à l’Agence France Presse Pierre Dubreuil, directeur général de l’OFB. Ce sont des acteurs à part entière de la biodiversité. » Tout en précisant qu’ils auront « un poids limité au sein du conseil d’admi­nistration ».

L’objectif affiché est que l’union de l’AFB, qui a surtout compé­ tence sur les espaces aquatiques et marins, et de l’ONCFS, respon­sable des milieux terrestres, donne naissance à un opérateur public cohérent et puissant, pré­sent sur l’ensemble du territoire métropolitain et ultramarin. Doté d’un budget d’environ 340 millions d’euros, ses mis­sions ont trait à la police de l’envi­ronnement et de la chasse, l’appui aux politiques publiques et aux gestionnaires d’espaces naturels, l’expertise et les recherches sur la faune et ses habitats, la délivrance du permis de chasse.

Au total, cet établissement re­ groupera 2 700 agents, dont 1 900 inspecteurs de l’environnement qui travailleront sur le terrain et auront des pouvoirs de police ju­diciaire renforcés pour lutter, par exemple, contre le trafic d’espèces sauvages ou la pollution des eaux.

Pierre Dubreuil met en avant les moyens accrus du nouvel établis­sement pour protéger la nature, menacée de toute part par les acti­vités humaines. L’OFB, affirme­ t­il, a pour mission de « préserver la biodiversité – partie vivante de la nature –, sans renier l’activité humaine».

En France comme ailleurs, on as­siste à une érosion des espèces ani­males et végétales. Les zones hu­mides ont reculé de 50 % depuis 1960, 30 % des oiseaux communs ont disparu en milieu agricole en trente ans. Alors que 1 242 espèces sont menacées d’extinction dans le pays selon l’Union internatio­nale pour la conservation de la na­ ture (IUCN), le rôle de l’office public est crucial. Il constitue en quelque sorte le bras armé du plan en fa­veur de la biodiversité annoncé en juillet 2018 par le gouvernement. Sa création intervient au moment où la France s’apprête à accueillir le congrès mondial de la nature de l’IUCN, à Marseille, en juin 2020.

Clémentine Thiberge/Le Monde 6 janvier