« Loto de la biodiversité » : on vous explique pourquoi le jeu « Mission Nature » est si décrié

L’Autorité nationale des jeux dénonce l’addiction qu’il pourrait provoquer chez les jeunes. Une sénatrice socialiste accuse de son côté le gouvernement de « greenwashing ».

Quarante-trois centimes. C’est la somme qui sera reversée à des projets environnementaux pour chaque ticket vendu du jeu à gratter « Mission nature », lancé lundi 23 octobre. Le nouveau jeu, vendu 3 euros, conçu sur le modèle du « Loto du patrimoine », financera une vingtaine de projets de restauration de la biodiversité, sélectionnés par l’Office français de la biodiversité. Mais le tableau est loin d’être tout vert. L’Autorité nationale des jeux dénonce un nouveau jeu « trop addictif pour les jeunes », qui selon sa présidente, « n’est pas conforme à la jurisprudence de la Cour de justice » européenne en matière de prévention des additions aux jeux. Franceinfo répond à trois questions sur ce nouveau « Loto de la biodiversité ».

Quel est l’objectif de ce loto ?

Les vingt projets environnementaux sélectionnés par l’Office français de la biodiversité (PDF) concernent six « projets emblématiques » mais également 14 « projets de maillage ». Parmi les plus symboliques : la sauvegarde des mangroves du Lamentin, la réhabilitation des populations de tortues d’Hermann dans le Var, le sauvetage de l’herbier de Posidonie ou encore le retour du plus grand rapace d’Europe, le gypaète barbu. Ce projet, soutenu par la Ligue pour la protection des oiseaux, ambitionne de restaurer la population de ce rapace sur notre territoire, qui ne comptait plus que 79 couples nicheurs en 2021. Grâce au nouveau « Loto de la biodiversité », ce projet devrait recevoir 650 000 euros.

Les projets de maillages, eux, ont pour objectif de « renforcer la biodiversité de proximité ». C’est le cas par exemple d’un projet de « reconquête des haies et des mares » porté par le Centre d’animation en Pays de Logne (Pays de la Loire). Un projet qui s’inscrit dans une volonté plus globale du gouvernement, qui a promis de planter 50 000 km de nouvelles haies d’ici 2030. Pour ce qui est des autres projets, les participants à « Mission nature » pourront les découvrir en scannant le QR code renvoyant à la liste des projets soutenus, présent sur tous les tickets.

Quels sont les gains possibles ?

Selon la Française des jeux, les joueurs auront « une chance sur 3,21 de remporter jusqu’à 30 000 euros », le gain maximal de ce jeu à gratter. Une somme en deçà de celle affichée par le « Loto du patrimoine », dont le ticket à 15 euros permet de remporter jusqu’à 1,5 million d’euros. Ce nouveau « Loto de la biodiversité », dont le ticket coûte 3 euros, se veut en effet « plus accessible », explique le secrétariat d’Etat chargée de la Biodiversité à l’AFP. Sur chaque ticket « Mission nature », la part de l’Etat, c’est-à-dire 43 centimes, sera fléchée vers l’Office français de la biodiversité, ce qui lui permettra de récolter 6 millions d’euros si les 14 millions de tickets sont écoulés.

Pourquoi ce jeu est-il critiqué ?

Ce nouveau jeu « écolo » ne fait cependant pas l’unanimité. Inscrit dans la Loi de finances 2023, il avait été jugé « trop addictif pour les jeunes » par le régulateur du secteur des jeux, l’Autorité nationale des jeux (ANJ), et sa création avait été rejetée par le Sénat en novembre 2022. « On met en place, sur une thématique qui va attirer les jeunes – la biodiversité, le développement durable… – une offre qui va être particulièrement addictive pour les jeunes », dénonçait Isabelle Falque-Pierrotin, la présidente de l’ANJ, lors d’une audition devant la commission des finances du Sénat en février 2023.

La création de ce jeu à gratter au profit de la biodiversité avait ainsi provoqué une levée de bouclier chez les sénateurs de gauche comme de droite. « C’est irresponsable », estimait l’élu des Républicains Jean-François Husson, tandis que la sénatrice socialiste Angèle Préville fustigeait un « greenwashing du jeu ». Du côté des associations, si certaines ont choisi de jouer le jeu en portant des projets, d’autres, comme France nature environnement, dénoncent une « arnaque à la biodiversité » qui va notamment générer « des centaines de milliers de tickets en carton plastifiés ».

Source : France Info