Tous les jours, retrouvez le fil vert, le rendez-vous environnement de Libération. Aujourd’hui, c’est la règle de trois : trois questions pour décrypter les enjeux environnementaux.

Attirés par les lumières de nos villes qui se multiplient, les oiseaux migrateurs se retrouvent souvent coincés dans nos rues, où ils sont nombreux à mourir en s’écrasant contre les vitres des immeubles ou en s’épuisant en vol. Certaines espèces tentent de se guider sur les routes migratoires en évitant les villes grâce à des cris émis en vol. Or, une étude publiée récemment par la Royal Society révèle que ces mêmes cris causent leur perte car les oiseaux s’attirent mutuellement vers les buildings. Louis Sallé, spécialiste des migrations à la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), décrypte pour Libération l’impact des lumières sur les oiseaux migrateurs.

Comment la pollution lumineuse influence-t-elle le comportement migratoire des oiseaux ?

Les oiseaux qui migrent sur de longues distances font de la «navigation», c’est-à-dire qu’ils s’orientent grâce à plusieurs sens. Le cerveau des oiseaux contient des particules magnétiques qui leur permettent de percevoir le champ magnétique de la Terre et de s’orienter. Ils utilisent aussi des repères visuels comme la Lune et les étoiles, ou des repères physiques au sol.

La lumière des villes est surtout composée de lumières blanches qui perturberaient la détection des champs magnétiques d’une part, et les repères visuels d’autre part. Les oiseaux sont totalement désorientés dès lors qu’ils s’approchent de nos villes.

La majorité des oiseaux migrent-ils la nuit ?

Depuis une dizaine d’années, on se rend compte grâce aux radars et aux caméras thermiques que les passages nocturnes représentent une proportion absolument énorme d’oiseaux. Le problème, c’est que la nuit on ne peut pas les voir, et qu’il est difficile de les identifier et de les compter. Et même si on n’a pas de chiffre exact, il est fort probable qu’il y ait davantage de migrations la nuit que le jour, donc des centaines de millions d’oiseaux.

Toute la France est une route migratoire puisqu’elle se trouve sur le East Atlantic Flyway, un corridor qui va du nord de l’Europe (Scandinavie, Irlande, Angleterre), jusqu’en Afrique. Globalement, où qu’on soit en France, en période de migration, il faut imaginer qu’à tout moment, des oiseaux sont en train de migrer au-dessus de notre tête.

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Quelles solutions concrètes adopter pour limiter notre impact sur les oiseaux migrateurs ?

Il suffit de changer les ampoules pour remplacer les lumières blanches par des lumières bleues, notamment pour les lieux qu’on est obligés d’illuminer la nuit, comme les routes. Et tout simplement, il faut arrêter d’illuminer tout ce qui ne sert à rien la nuit : bureaux, vitrines… Ce qui, au passage, ferait faire des économies d’énergie, en plus d’être bénéfique aux oiseaux.

Les villes et leurs lumières sont apparues assez récemment à l’échelle de l’évolution des espèces, il y a à peine 200 ans. Les oiseaux n’ont pas eu le temps d’évoluer et de s’adapter pour identifier le danger. Mais nous, nous pouvons nous adapter facilement pour ne pas trop perturber leur environnement.

Libération/9 avril

PhotoA l’aube, des grues survolent le lac artificiel du Der, dans l’est de la France, où des milliers d’oiseaux migrateurs font escale avant de se diriger vers l’Espagne. Photo François Nascimbeni. AFP