Dur métier! : Quatre défenseurs de l’environnement tués par semaine en 2019

Le rapport annuel de l’ONG Global Witness, publié ce mercredi, recense un nombre record d’homicides perpétrés contre des militants défendant la nature.

D’année en année, le décompte s’alourdit. Dans son rapport publié ce mercredi, l’ONG Global Witness montre, une nouvelle fois, les risques mortels auxquels s’exposent les défenseurs de l’environnement partout dans le monde. En 2019, 212 militants ont été tués, soit en moyenne quatre par semaine. Un record. «Le nombre réel est probablement bien plus élevé, car beaucoup de cas ne sont pas enregistrés et font rarement l’objet d’enquête, souligne le rapport. Et bien plus de personnes ont été attaquées, emprisonnées, ou ont été visées par des campagnes de dénigrement à cause de leur travail.»

Une nouvelle fois, l’Amérique latine reste la région la plus dangereuse pour ces activistes et ces communautés. Deux tiers des assassinats de l’an dernier ont été perpétrés sur son sol. La situation s’est particulièrement dégradée en Colombie où 64 défenseurs de la nature ont été tués, soit plus du double de 2018. Et le nombre le plus haut que Global Witness ait jamais enregistré. Parmi ces meurtres, 14 étaient liés à des tentatives de substitutions de cultures illégales de coca ou de marijuana. Des actions menées, aussi, pour défendre les terres des autochtones.

Les mines meurtrières

Au Honduras, le nombre d’assassinats a aussi fortement augmenté. Passant de 4 en 2018 à 14 l’an dernier, cela en fait le pays le plus dangereux au monde pour les défenseurs de l’environnement, en comptant en nombre de meurtres par habitant. En Amazonie, 33 militants sont morts, dont 90% au Brésil où les politiques de libéralisation de l’exploitation des terres déforestées, menées par le gouvernement de Jair Bolsanoro, ont attisé les tensions entre populations locales et exploitants industriels.

Autre pays où la forêt est une ressource précieuse, et donc fortement disputée, les Philippines deviennent une terre de plus en plus dangereuse pour les militants. L’an dernier, 43 y ont été tués, contre 30 l’année précédente. L’Europe n’est pas épargnée. Deux gardes forestiers ont été abattus en Roumanie pour avoir enquêté sur des affaires de déforestation illégale. D’après Global Witness, 16 autres ont été agressés pour les mêmes raisons.

Le développement des mines, et les dégâts qu’elles provoquent sur l’environnement et la santé des populations vivant à proximité, cristallise les tensions et la violence la plus meurtrière. 50 défenseurs tués l’an dernier l’ont été dans des campagnes d’opposition à des projets miniers.

Surtout, plus d’un tiers des personnes assassinées (40%) sont des membres de communautés autochtones ayant voulu défendre leurs terres, souvent sacrées dans leurs cultures. Cela, alors qu’ils ne représentent que 5% de la population mondiale. Mais ils se trouvent sur des lignes de front de la protection de l’environnement et ont peu de moyens de faire entendre leurs voix.

Collusion des Etats

L’inaction, voire la collusion des Etats avec les acteurs économiques, impliqués dans des projets destructeurs pour l’environnement, nourrit cette spirale de violence. «Le manque de signalement, l’impunité généralisée et la corruption rendent difficile l’identification des responsables», argumente Global Witness, qui a pu imputer 37 des 212 assassinats de l’an dernier, à des forces de police d’Etat.

L’augmentation de la population, l’urbanisation et la prédation croissante des ressources naturelles pousse de plus en plus les industriels dans des territoires non exploités où des populations vivent depuis des millénaires, les forçant à partir ou défendre leurs moyens de subsistance.

«Il est important de souligner que cette violence mortelle n’est que la pointe émergée de l’iceberg, note le rapport. Nous voyons aussi des gouvernements et des entreprises utiliser des tactiques différentes, moins connues, pour réduire au silence les défenseurs de l’environnement, comme, par exemple, arrêter et emprisonner des activistes, ou introduire et changer des lois pour rendre illégales certaines formes de protestation.»

L’ONG centre son analyse sur la nouvelle place qu’occupent les manifestations pour le climat dans le paysage de l’activisme environnemental, et de la répression dont elles font l’objet. «A un moment où nous avons le plus besoin d’entendre ces voix, des gouvernements partout sur la planète ont pris une vague de mesures pour clore l’espace de manifestation pacifique, poursuit Global Witness. Ils déploient des tactiques allant de la campagne de dénigrement à des poursuites judiciaires fallacieuses, jusqu’à réduire au silence ceux qui se battent pour le climat et la survie de l’humanité.»

 

photo : Le 21 février 2020 à Mexico, lors d’une manifestation en hommage à Samir Flores activiste qui s’opposait à un projet de construction de centrale thermique au Chiapas. Photo Eyepix. Sipa