Réchauffement climatique : «Au moins 104 000 glaciers vont disparaître dans le monde, dont la moitié avant 2050»

Etienne Berthier, glaciologue au CNRS et coauteur d’une étude qui sera publiée vendredi dans «Science», explique que les scientifiques connaissent désormais mieux le rythme de fonte et l’ampleur de l’extinction à venir des glaciers.

L’humanité va bientôt enterrer la majorité des glaciers de la planète. Déjà très affectés par le changement climatique, ceux-ci vont se liquéfier encore plus vite que prévu, selon une nouvelle étude à paraître vendredi dans la revue Science. Etienne Berthier est un des deux Français ayant participé à cette étude internationale menée par treize scientifiques. Chercheur au CNRS en poste à l’Université de Toulouse, il précise à Libération que la perte des gros glaciers peut encore être limitée grâce à une baisse significative des émissions de gaz à effet de serre.

Selon votre étude, la planète va perdre entre 49% et 83% de ses glaciers d’ici la fin du siècle, c’est beaucoup plus que précédemment estimé ?

Le nombre de glaciers qui vont disparaître n’avait pas été calculé jusqu’à présent. Seule la perte de masse des glaciers l’était. C’est ce chiffre-là qu’on peut comparer aux études précédentes. Notre étude indique que les glaciers perdront 26% de leur masse dans un monde à +1,5°C, contre 41% à +4°C. C’est 11% à 44% plus important que les estimations précédentes, notamment utilisées dans le dernier rapport du Giec.

Cette fois-ci, nous avons aussi calculé le nombre de glaciers qui allaient disparaître car nous avons de nouvelles données d’observation, à plus haute résolution grâce aux images satellites. On peut désormais regarder individuellement chacun des 215 000 glaciers inventoriés sur Terre. A partir des changements observés par le passé, on fait une projection de leur évolution. Au moins 104 000 d’entre eux vont disparaître dans le monde, dont la moitié avant 2050.

Est-ce surprenant ?

Quelque part, on s’y attendait. Mais ce qui peut surprendre, c’est que le chiffre de la disparition des glaciers sera très élevé quoi qu’il arrive. Même dans le meilleur des cas, si on a des politiques très volontaristes en termes de baisse des émissions de gaz à effet de serre, la moitié des glaciers sera condamnée. Ils sont déjà dans un profond déséquilibre dans le climat actuel, n’ayant pas le temps de s’ajuster au réchauffement très rapide des dernières décennies.

Dans notre étude, nous mettons en avant deux scénarios extrêmes pour 2100 : 1,5°C et 4°C. Mais compte tenu des engagements de réduction des gaz à effet de serre des pays dans le monde, on se dirige plutôt vers +2,7°C à la fin du siècle. Ce serait une disparition d’environ 65% des glaciers.

Pourquoi le chiffre de la fonte a-t-il été revu à la hausse ?

D’abord, les nouvelles observations prennent en compte l’accélération récente, entre 2000 et 2020, de la perte de masse des glaciers. Et puis nous avons un modèle un peu plus affiné intégrant deux processus importants. Il y a d’abord le «vêlage d’icebergs» : cela concerne les glaciers qui se terminent soit dans l’océan, comme en Patagonie, soit dans les grands lacs, comme dans les Andes. Ils fondent non seulement en surface, mais perdent aussi de la masse en libérant des icebergs qui se détachent et flottent.

L‘étude prend aussi en compte l’effet des débris rocheux qui s’accumulent sur les glaciers. Cela se produit lorsque la glace recule et que la roche sur les flancs est déstabilisée, entraînant des glissements de terrain. Ce couvert peut avoir deux effets inverses : s’il est fin, surtout composé de poussières, il absorbe le rayonnement solaire et accélère la fonte. Au contraire, si la couche dépasse quelques centimètres d’épaisseur, elle devient isolante et protège le glacier du soleil….

L’article complet dans Libération du 6 janvier

 

 

Photo : Le glacier de Tsanfleuron, dans le massif des Diablerets, en Suisse, début août. (Fabrice Coffrini /AFP)