Durée, profondeur, postures… Les secrets du sommeil animal

Comme les humains, les animaux ont besoin de phases de repos, adaptées à leur milieu, leur taille, leur régime alimentaire et au risque de prédation.

Du ver à l’éléphant, en passant par la pieuvre et la frégate, tous les animaux dorment. Mais s’agit-il de sommeil, tel qu’il est défini par la science comportementale : un état d’inactivité prolongé, distribué selon un rythme circadien, réversible à la suite d’un stimulus, et dont la privation entraîne une période de récupération ?

Pour Paul-Antoine Libourel, de l’équipe Sleep du Centre de recherche en neurosciences de Lyon (Rhône), « selon ces critères, on observe le sommeil chez un grand nombre d’espèces étudiées : chez les mammifères, mais aussi les poissons, les reptiles, les insectes, les mollusques, les méduses ». Si on empêche une mouche de dormir, elle a besoin d’une sieste pour récupérer.

Le sommeil des animaux présente des formes très diverses. Il varie en durée, en profondeur, adapté à leur milieu, à leur taille, à leur régime alimentaire et au risque de prédation. Les animaux de troupeau, zèbres ou bisons, dorment par microsiestes, alors que les prédateurs, tels que les tigres et les lions, peuvent roupiller jusqu’à vingt heures par jour.

Certains cétacés pratiquent le sommeil unihémisphérique. Ils mettent en pause la moitié de leur cerveau qui tombe dans un sommeil profond, tandis que l’autre moitié reste alerte. C’est le cas du crocodile, ou encore du dauphin qui ne dort que d’un œil, sinon il coulerait. Cette capacité leur permet de se reposer un peu, tout en leur permettant de rester conscients de l’environnement et de ses dangers.

Lorsque le poisson zèbre dort profondément, ses muscles se relâchent, les battements de son cœur deviennent arythmiques, tandis que l’activité cérébrale reste similaire à celle d’un poisson éveillé. Différence notable avec l’homme : en l’absence de paupières, leurs yeux restent ouverts. Lors des phases d’inactivité, la pieuvre change de couleur et les antennes des abeilles se mettent à bouger.

Le tatou dort dix-huit heures par jour

Au niveau des postures, les animaux sont très imaginatifs. La chauve-souris se repose suspendue la tête en bas pour s’envoler plus facilement. Le chat, lui, « se constitue un champ d’isolement d’où il dort et se toilette. Un chat inquiet en aura plusieurs ; un hyperactif s’endort n’importe où », explique Claude Béata, vétérinaire et auteur de La Folie des chats (Odile Jacob, 2022).

Les herbivores peuvent dormir debout. Tout comme la majorité des oiseaux, tels les flamants roses, les corneilles et les pigeons. En cas de danger, ils sont prêts à fuir. Quand la girafe se sent en sécurité, elle se couche sur le sol. Son sommeil est alors plus profond, ses yeux et ses oreilles se mettent en mouvement, comme si elle entrait en phase de sommeil paradoxal, dans lequel se produisent la plupart des rêves.

On retrouve cette phase de sommeil chez les mammifères et les oiseaux, mais aussi chez les insectes, les poissons et les drosophiles. De ce côté, le tatou géant, qui vit dans un terrier à l’abri des dangers, bat tous les records. Il dort dix-huit heures par jour et se pose comme champion du sommeil paradoxal : de cinq à six heures par nuit contre une heure et demie chez l’homme adulte et quelques secondes chez les oiseaux.

À défaut de pouvoir analyser l’activité cérébrale d’un animal, les scientifiques observent les phénomènes périphériques, comme le mouvement des yeux, l’atonie musculaire, la fréquence cardiaque ou la génétique. « En faisant des croisements génétiques sur la mouche, on a pu identifier des gènes d’horloge qui commandent le rythme circadien et déterminent, au sein d’une population, les petits et les gros dormeurs », appuie Paul-Antoine Libourel, ingénieur de recherches, qui développe des outils pour étudier le repos chez les espèces difficiles à suivre dans la nature.

Même les animaux à sang froid connaissent le sommeil à deux phases, bien qu’ils n’en aient pas toutes les caractéristiques en raison de leur métabolisme et de leur neuroanatomie. Le mystère reste entier sur cette forme de sommeil qui serait apparue chez un ancêtre commun aux mammifères et aux reptiles, il y a 350 millions d’années.

Source Le Point